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Freidoune SAHEBJAM
Le Monde avril 1979

Le général Pakravan et l'ayatolIah Khomeiny

M. Freidoune Sahebjam, ancien diplomate iranien, écrivain et journaliste, nous adresse, à propos de l'exécution à Téhéran, le 11 avril, du général Pakravan (le Monde du 12 avril), une lettre où il écrit notamment :

C'est sous l'autorité de Hassan Pakravan qu'un certain ayatollah Khomeiny fut arrête pour avoir .tenté de soulever le peuple contre les décisions du palais impérial tendant à donner le même statut aux femmes qu'aux hommes, donner aux pauvres les terres des grands propriétaires fonciers (donc celles de l'église chiite), lutter efficacement contre l'analphabétisme. Le bilan des émeutes du printemps 1963 fut de près de dix mille. morts sur l'ensemble du territoire iranien. Khomeiny fut arrêté, jugé et condamné à mort.

Un seul homme s'est élevé vigoureusement contre cette décision du tribunal militaire de Téhéran Hassan Pakravan. Il a plaidé la cause de l'ayatollah, venait souvent le visiter dans sa prison, tentait de comprendre cet  « homme d'un autre temps qui avait osé se soulever contre le pouvoir.

Il obtint du chah la grâce pour Khomeiny et le fit exiler en Turquie, puis en Irak. S'il est donc un homme à qui l'ancien patriarche de Neauphle doit la vie, c'est bien à Hassan Pakravan. Alors, pourquoi cet assassinat après tant d'autres, à l'aube, si ce n'est pour ne pas laisser de témoins?


Freidoune SAHEBJAM
Le Monde avril 1979



  
Toujours aussi fidèle, Freidoune SAHEBJAM rend hommage au général Pakravan dix ans plus tard en 1989, comme il l'avait déjà fait en 1979.


Freidoune SAHEBJAM
Le Monde du 10 avril 1989,
Rubrique Témoignage

Il y a dix ans l'assassinat de Hassan Pakravan

M. Freidoune Sahebjam, écrivain iranien, membre du Pen- Club, nous a adressé le texte suivant :

Il y a dix ans, le 10 avril 1979, était assassiné dans son cachot de Téhéran Hassan Pakravan, ancien ministre, ancien ambassadeur, ancien directeur de la sécurité d'Etat.

Francophone et francophile, cet homme de coeur et d'esprit n'avait que des amis en Occident, où il avait étudié et maintes fois représenté son pays. La France était sa seconde patrie, et Paris une ville qui n'avait plus de secrets pour lui.

Général de corps d'armée, il avait eu la rude charge, entre 1961 et 1965, de diriger la trop célèbre SAVAK, police politique impériale, dont les excès furent vivement dénoncés dans les années 70. Ce furent ses services qui eurent pour mission d'arrêter en juin 1963 un ayatollah inconnu du grand public et qui luttait avec force contre les réformes du gouvernement (égalité des sexes, lutte contre l'illettrisme, réforme agraire, intérêt des ouvriers aux bénéfices des entreprises) jugées anti-islamiques : Rouhollah Khomeiny. Des émeutes, provoquées par le futur maître de l'Iran, firent plus de mille morts dans tout le pays. L'ayatollah de Qom rejetait la monogamie, l'enseignement pour tous, la remise des grandes propriétés foncières - dont celles du clergé - aux moins riches, etc.

Jugé, incarcéré, puis condamné à mort, Khomeiny trouva un avocat de choix pour plaider sa cause auprès du chah : Hassan Pakravan en personne, qui persuada le souverain que le prélat mort serait pour l'Iran plus dangereux que vivant. Comme pour Mossadegh dix ans auparavant sa peine fut commuée en exil et Khomeiny fut expédié dans un premier temps en Turquie, puis en Irak.

Dès son retour en Iran, le 1er février 1979, le " saint homme " fit arrêter et jeter en prison tous les dignitaires de l'ancien régime, dont le général Pakravan, l'homme auquel il devait la vie. Soixante-dix jours durant, privé de soins et de médicaments, l'ancien homme d'Etat subit les pires humiliations et vexations et fut la vedette contre son gré d'une parodie de procès. Pendant ce temps, Ahmad Khomeiny promit au fils de Pakravan la vie sauve pour son père.

Le 10 avril, en pleine nuit, il fut extirpé de sa cellule et conduit au poteau d'exécution. Quand le corps de son père fut rendu à Karim Pakravan, Ahmad Khomeiny eut cette phrase terrible : " Il était pour nous plus dangereux vivant que mort. "
Interdiction fut faite aux cimetières iraniens d'accepter le corps du martyr, qui n'avait pas le droit à une sépulture décente. Pendant trois jours et trois nuits, le fils promena le corps de son père de village en bourgade, à la recherche d'un lieu d'enterrement. Finalement, loin des yeux indiscrets, aux portes du désert, sous un arbre, le fils ensevelit son père.

Directeur de la SAVAK pendant quatre ans, celui-ci avait interdit toute torture et humiliation des détenus. Ministre de l'information, il avait aboli la censure. Ambassadeur, il avait permis à bon nombre d'exilés et d'opposants au chah de retrouver leur dignité et de rentrer au pays sans y être inquiétés.

Il y a dix ans, Hassan Pakravan a été assassiné au nom de Dieu clément et miséricordieux, comme le dit le premier verset du Coran, un verset généreux et humain que Khomeiny, depuis une décennie, a rendu satanique.

Freidoune SAHEBJAM
Le Monde du 10 avril 1989,
Rubrique Témoignage