Toujours aussi fidèle, Freidoune SAHEBJAM rend   hommage au général Pakravan dix ans plus tard en   1989, comme il l'avait déjà fait en 1979.
  
  
  
  
  Freidoune SAHEBJAM 
  Le Monde du 10 avril 1989, 
  Rubrique Témoignage
  
  
  Il y a dix ans l'assassinat de Hassan Pakravan
  
  
  M. Freidoune Sahebjam, écrivain iranien, membre du Pen-  Club, nous a adressé le texte suivant :
  
  
  Il y a dix ans, le 10 avril 1979, était assassiné dans son cachot   de Téhéran Hassan Pakravan, ancien ministre, ancien   ambassadeur, ancien directeur de la sécurité d'Etat.
  
  
  Francophone et francophile, cet homme de coeur et d'esprit   n'avait que des amis en Occident, où il avait étudié et maintes   fois représenté son pays. La France était sa seconde patrie, et   Paris une ville qui n'avait plus de secrets pour lui.
  
  
  Général de corps d'armée,   il avait eu la rude charge, entre   1961 et 1965, de diriger la trop célèbre SAVAK, police   politique impériale, dont les excès furent vivement dénoncés   dans les années 70. Ce furent ses services qui eurent pour   mission d'arrêter en juin 1963 un ayatollah inconnu du grand   public et qui luttait avec force contre les réformes du   gouvernement (égalité des sexes, lutte contre l'illettrisme,   réforme agraire, intérêt des ouvriers aux bénéfices des   entreprises) jugées anti-islamiques : Rouhollah Khomeiny.   Des émeutes, provoquées par le futur maître de l'Iran, firent   plus de mille morts dans tout le pays. L'ayatollah de Qom   rejetait la monogamie, l'enseignement pour tous, la remise des   grandes propriétés foncières - dont celles du clergé - aux   moins riches, etc.
  
  
  Jugé, incarcéré,   puis condamné à mort, Khomeiny trouva un   avocat de choix pour plaider sa cause auprès du chah :   Hassan Pakravan en personne, qui persuada le souverain que   le prélat mort serait pour l'Iran plus dangereux que vivant.   Comme pour Mossadegh dix ans auparavant sa peine fut   commuée en exil et Khomeiny fut expédié dans un premier   temps en Turquie, puis en Irak.
  
  
  Dès son retour en Iran, le 1er février 1979, le " saint homme "   fit arrêter et jeter en prison tous les dignitaires de l'ancien   régime, dont le général Pakravan, l'homme auquel il devait la   vie. Soixante-dix jours durant, privé de soins et de   médicaments, l'ancien homme d'Etat subit les pires   humiliations et vexations et fut la vedette contre son gré d'une   parodie de procès. Pendant ce temps, Ahmad Khomeiny   promit au fils de Pakravan la vie sauve pour son père.
  
  
  Le 10 avril, en pleine nuit, il fut extirpé de sa cellule et conduit   au poteau d'exécution. Quand le corps de son père fut rendu à   Karim Pakravan, Ahmad Khomeiny eut cette phrase terrible :   " Il était pour nous plus dangereux vivant que mort. "
  Interdiction fut faite aux cimetières iraniens d'accepter le   corps du martyr, qui n'avait pas le droit à une sépulture   décente. Pendant trois jours et trois nuits, le fils promena le   corps de son père de village en bourgade, à la recherche d'un   lieu d'enterrement. Finalement, loin des yeux indiscrets, aux   portes du désert, sous un arbre, le fils ensevelit son père.
  
  
  Directeur de la SAVAK pendant quatre ans, celui-ci avait   interdit toute torture et humiliation des détenus. Ministre de   l'information, il avait aboli la censure. Ambassadeur, il avait   permis à bon nombre d'exilés et d'opposants au chah de   retrouver leur dignité et de rentrer au pays sans y être   inquiétés.
  
  
  Il y a dix ans, Hassan Pakravan a été assassiné au nom de   Dieu clément et miséricordieux, comme le dit le premier   verset du Coran, un verset généreux et humain que   Khomeiny, depuis une décennie, a rendu satanique.
  
  
  Freidoune SAHEBJAM 
  Le Monde du 10 avril 1989, 
  Rubrique Témoignage